Le destin a voulu que le dernier jour de cette année 2006 soit une des journées les plus catastrophiques de l’année ! Peut-être y a-t-il un « taux de malheur » à vivre dans une année ? Et peut-être que si ce taux n’est pas atteint, tout se cumule le dernier jour ?
10 kilomètres avant d’arriver à la ville de WANAKA, un bruit retentit à mon oreille : « CRAC ! »… et je réalise rapidement qu’il s’agit de ma propre jambe gauche. Depuis que nous sommes partis de France, nous n’avons jamais eu de problème de muscles. Mais après 10.900 kilomètres à vélo, il ne faut plus être surpris. Ma jambe est paralysée mais je dois quand même pousser mon vélo de 50 kilos avec difficulté. Nous ne demandons rien à personne mais une première voiture s’arrête. Un groupe de jeunes en sort et une des jeunes filles me propose de pédaler à ma place avec Christophe pendant que je monte en voiture.
Les Nouveaux Zélandais sont gentils et au moindre problème, ils essaieront de vous aider. Mais lorsqu’elle a pris le vélo, elle a tellement été terrifiée par son poids qu’elle a exigé qu’on en retire les bagages dans la voiture. Alors, pour la première fois du tour du monde, une femme m’a remplacée sur le vélo… sur 10 km !
Réunis à la ville, Christophe m’accompagne pour aller voir un médecin. Mais là encore, le destin s’acharne : à 100 mètres du centre médical, une voiture nous percute de face ! Nous avons parcouru le 1/3 du monde à vélo sans jamais avoir d’accident sur la route, et il faut être piéton pour avoir un accident le 31 décembre ! Mais la femme qui conduisait semblait déjà avoir consommé l’alcool du 31 décembre car… elle continuait de conduire alors que j’étais sur son capot de voiture ! On aurait vraiment pu tourner cette scène pour un film de « Starsky et Huch ». Elle conduisait en me regardant sur son capot et en m’insultant. Elle a aussi écrasé le pied de Christophe au passage. Pour arrêter cette folle, Christophe tapait sur sa vitre en criant « STOP ! STOP ! ». Rien à faire…en courant, il a dû casser sa vitre d’un coup de poing pour tenter de l’arrêter. Mais elle a pris la fuite comme une voleuse. Heureusement, nous avons relevé sa plaque d’immatriculation et toute cette affaire a terminé au poste de police. La femme refusait d’admettre l’accident et répétait au policier : « Il n’y a pas de témoins ! Ils disent n’importe quoi ! Ils m’ont agressé sans raison et ils doivent me payer ma vitre ! ». Nous avons passé plus de 3 heures au poste de police et c’est assez terrible de tenter de s’expliquer dans une langue différente de la sienne. Au final, la conductrice ne s’est jamais excusée et la police nous a dit que sans témoins, on ne pouvait rien prouver : AFFAIRE CLASSEE. Parfois, on se dit qu’il n’y a pas besoin de vivre au Pakistan pour connaître l’injustice….
Heureusement, le médecin a compati. Quand il a su que nous avions traversé 18 pays pour arriver ici en vélo, il m’a offert tous les soins gratuitement. Mais son verdict médical est formel : « 8 jours d’immobilisation avec les béquilles ».
Le même soir, nous assistons à un spectacle fou : Des milliers de jeunes adolescents sortent dans les rues et se bourrent d’alcool comme on boit au biberon. On aurait dit une « soirée spéciale teenagers ». Nous apprenons alors que WANAKA est la ville de rassemblement de tous les jeunes de Nouvelle Zélande. Et quelle soirée ! Plus de 30.000 adolescents dans les rues complètement ivres ! Avec mes béquilles, tout le monde me bousculait ou me tombait dessus. Les gens criaient et vomissaient dehors. Ils montaient sur les tables et se jetaient sur la foule comme on se jette dans le vide d’un avion à 10.000 mètres d’altitude. C’était la décadence totale et le spectacle devenait surréaliste. Les jeunes filles se jetaient sur n’importe qui et collaient leurs poitrines sur la figure des heureux élus. Puis elles tombaient dans les poubelles et rampaient par terre comme des chiens vagabonds. Christophe et moi nous sommes sentis comme 2 vieux soixante-huitards projetés dans une discothèque du futur…. Ca sent le « coup de vieux »…
En Nouvelle Zélande, l’alcool chez les jeunes est un vrai problème social. Ici, boire 8 à 12 bières par jour est une chose normale pour un jeune de 16 ans. Même si la police était présente ce soir-là, les évènements ont tourné au négatif. A minuit, des groupes ont commencé à se battre un peu partout. Les services de sécurité étaient débordés pendant que les bars explosaient de monde….
Difficile pour nous d’admettre que le soir du 31 décembre, nous sommes rentrés nous couchés comme deux petits vieux en béquilles !